De la terre à la terre

Jardinière de profession, j'ai beaucoup vécu les mains dans la terre.

Un jour, lors de la création d'un jardin, je tombe sur une épaisse couche de glaise. J'en prélève un bloc, pensant naïvement en faire une oeuvre… Désir ancien, profond, enfoui, qui resurgissait soudain. Mais je ne savais comment m'y prendre : aucune technique, beaucoup d'inhibition, un soupçon de procrastination… Le bloc de glaise a séché. Je le contemplais, souvent, comme on regarde une montagne à gravir. Et je l'ai jeté, des années plus tard. J'étais toujours jardinière, mais loin encore d'être potière !

C'est après la cinquantaine que les aléas de la vie m'ont amenée à reconsidérer ce que je voulais faire du temps qu'il me restait. J'ai alors enfin trouvé le courage de mettre les mains dans l'argile. D'abord, des personnages plus ou moins imaginaires, avec beaucoup de bonheur. Puis le nu d'après modèle vivant. Et enfin, découverte de la poterie.

Monter un pot. Geste immémorial, indispensable, simple, beau.

Puis sont venus les plats, les saladiers, les coupes, les vases, les bols… Et parfois encore des sculptures.

Je ne tourne pas mes pièces. Le modelage ou l'estampage me conviennent davantage. J'utilise aussi bien le grès que la faïence, la cire que l'émail, la terre nue que l'engobe. J'aime le doux et le lisse que le polissage peut apporter à la faïence ou au grès, mais tout autant le relief plus rugueux des terres chamottées, voire du grès sauvage.

Je n'ai rien inventé... J'ai simplement un immense plaisir à faire, qui ne tarit pas. La sortie du four est toujours une espérance, parfois une déception, de temps à autre un émerveillement.

Comme dans le jardinage, il y a dans la céramique répétition des gestes, patience et humilité. Mais que le temps passe vite, sereinement, pleinement, quand on vit avec la terre !